Le film documentaire “Vendange en Utopie” parle en détail de la viticulture en Bretagne et de son passé historique. Un documentaire passionnant sur l’histoire de nos terres et d’un potentiel futur viticole pour ses habitants. De quoi nous plonger la tête dans les étoiles en gardant les pieds sur Terre sur les futurs vignobles de Bretagne.
photo ©Eric Legret
Ja Panvert : Quelle fût votre carrière avant et qui vous a mené à faire ce film ?
Gérard Alle : “Oula haha. Remontons à la préhistoire. J’ai toujours eu un goût pour l’écriture. Mes parents étaient modestes, ouvriers. J’habitais à Bordeaux, d’une mère bretonne et d’un père du sud-ouest qui aimait beaucoup lire donc il m’emmenait à la bibliothèque du quartier où j’ai passé mon enfance et adolescence à lire beaucoup.
J’avais un premier rêve, celui d’aller vivre en Centre Bretagne, dans le pays de ma mère, dans lequel je passais mes grandes vacances avec ma grand mère, qui ne parlait que breton. Là-bas, j’ai fait de la boulangerie pendant 12 ans et 36 autres métiers tout en continuant de faire vivre ce rêve d’écriture.
Puis j’ai commencé à faire mes propres livres documentaires. J’en ai fais un avec le photographe Gilles Pouliquen qui s’appelle “Commerce de campagne”.
Là je me suis aperçu qu’il y avait beaucoup de vieilles dames tenancières qui avaient une philosophie du métier assez particulière et franchement intéressante. Ce livre a eu un succès incroyable, il a été réédité je ne sais combien de fois. Je me suis dis “Tiens, c’est marrant, c’est des valeurs qui touchent pas mal les gens, ces sujets de bistrot, d’humanité, de solidarité, de village.”
Je me disais aussi qu’un livre ne suffisait pas, même si je reprends les paroles des gens et même si on les voit en action dans des photos ; ça serait bien de les voir bouger et de les entendre. Au début je voulais faire une série de petites pastilles de 5 minutes où on rentre, on voit les personnes travailler, comme un plan séquence. Je suis retourné plusieurs fois chez Yvonne, Mon lapin bleu, un bistrot entre Pouldreuzic et Plozévet, dans le pays Bigouden. Je me suis rendue compte qu’elle savait vraiment mettre les mots sur son métier, représenter toutes ces tenancières à la fois. J’ai donc décidé de faire un film sur elle.
Je n’avais jamais fait de film ou de formation. Mais déjà dans l’écriture du projet, avec mes nombreux livres derrière moi, j’ai trouvé que ça se ressemblait dans la manière d’écrire. La différence c’est qu’au lieu d’être seul devant son écran, au bout d’un moment on est confronté à pleins de gens : les producteur.rice, les preneur.euses de son, les monteur.euses… Les personnes qui lisent vos dossiers aussi, les financeurs.euses éventuel·les, de la région, à la télé. Ça te bouscule des fois, ça te fait mal mais quelque part ça te force à avancer aussi. Ça t’oblige à préciser ton projet, aller jusqu’au fond. À voir si tu as les ‘tripes’.
Donc j’ai fait ce premier documentaire et il a eu un succès incroyable, il tourne toujours ! (le 20 nov au bar Le Carpe Diem de Corlay à 20h30 ndlr) Du coup ça m’a donné envie de continuer parce que j’ai aimé la proximité avec l’écriture d’un livre et qu’en plus, c’est un travail d’équipe.
“Vendange en utopie”, ça doit être mon septième film depuis 2012, donc ça c’est enchaîné quand même pas mal. Le vin, c’est une histoire particulière. Je l’explique dans le film car j’y suis présent. J’ai pas l’habitude de faire ça mais je suis un personnage de cette histoire donc je ne pouvais pas m’extraire complètement.
Quand je suis arrivé en Centre Bretagne, l’un de mes voisin m’a dit, “Ah mais tu sais, autrefois on faisait du vin sur la pente sud du Min Du au sud de Glomel.” Un endroit battu par le vent, donc on se dit qu’il raconte n’importe quoi ce mec. Mais en même temps ça m’a fait gamberger et dans les années 90, j’ai commencé à planter des petits bouts de vigne près de chez moi, à Mellionnec. Puis j’ai monté une association pour relancer la vigne en Bretagne et quand les choses ont commencé à décoller en 2016, je me suis dit que c’était naturel de faire un film.
J.P : Comment s’est déroulé le tournage pour vous ?
G.A : “Ce qui est compliqué quand on fait un film sur une pratique agricole, d’autant plus la vigne, c’est qu’on est tributaire de la météo, des récoltes. La vigne c’est pas comme des patates qu’on récolte d’une année sur l’autre. Là, la première vendange a lieu 4 ans après.
L’idée première du film était d’aller de la plantation jusqu’à la dégustation. Les personnages que j’avais choisi sont sur l’île de Groix où il n’avait pas gelé depuis 120 ans. Et bien ils se sont payés deux gelées, une sécheresse où ils n’avait pas le droit d’irriguer leurs vignes et la quatrième année où ils pensaient faire des vendanges, ils se sont tout fait bouffer par les faisans.
En même temps je les avais choisis car ils partaient de très loin, ils défrichaient la landes et ça m’intéressait de montrer la rudesse du boulot. Le vin c’est pas juste une belle bouteille que tu mets sur une belle nappe avec un beau verre que tu déguste. Derrière il y a de la sueur, y’a des larmes.
Avec eux, on peut dire que j’ai été servi. Parfois le réel transforme le déroulement de ton film tel que tu l’avais prévu. C’est long de faire un film sur un sujet comme ça, il m’a fallu 3-4 ans.”
Merci à Gérard d’avoir répondu aux questions de notre stagiaire lors de sa première date de tournée bretonne ce 30 octobre à Dinan. Retrouvez Vendanges en utopie à Glomel le 3 nov, à Pleubian le 6, à Callac le 7 et à Tréguidel le 8 en présence de Gérard. Toutes les dates sont sur notre page Mois du doc