Lors de son passage au CinéBreiz de Rostrenen, nous avons pu rencontrer la réalisatrice Dounia Bovet-Wolteche qui nous a parlé de son dernier film tourné entre 2021 et 2022 tout près de chez nous, dans les Monts d’Arrée.
Maxime Moriceau : Ton précédent film Les Herbes folles se déroulait déjà en Bretagne mais possédait une tonalité beaucoup plus intime que le dernier. Quel a été ton cheminement entre les deux ?
Dounia Bovet-Wolteche : J’ai vraiment commencé par des films très intimes, à l’endroit qui me touchait au plus près, dans le rapport à ma mère mais aussi à la disparition, à notre passé en Algérie et puis dans des questions sur la souveraineté par rapport au corps. Comment on envisage sa propre mort , comment on donne naissance. C’était vraiment des questions viscérales qui me tenaient à cœur et je crois avoir atteint avec ce film la limite de ce que je souhaite faire en matière d’intime en documentaire. C’était important pour mon film les Herbes folles d’être tout à fait libre, sans contrainte de production ou de diffusion, de faire des images comme je l’entendais et qu’elles m’appartiennent. Pour Re ar menez en revanche, j’ai eu envie de me lancer dans des collaborations avec d’autres personnes et d’ouvrir un champ nouveau car dans le domaine documentaire du moins, je ne ressens plus le besoin de creuser davantage ce rapport très intime.
M.M : Même si Re ar Menez est très différent, il y a une grande proximité avec les protagonistes.
D.B.W : J’ai voulu filmer là où je vivais parce que je n’avais pas choisi d’y vivre pour rien. J’étais très touchée par une culture de l’hospitalité, d’une forme de politesse mêlée d’une détermination à faire quand même ce qu’on a envie. Je ne voulais pas le raconter par des interviews mais plutôt par un vécu commun et il se trouve qu’on s’est retrouvés confrontés au projet d’antenne-relai de St Cadou. Je ne voulais pas faire un film militant mais la manière dont les gens se sont mobilisés ensemble, la solidarité et l’expression d’une sorte de communauté qui se traduisait par leur rapport aux chants, à la danse, au plaisir de vivre ont fait que j’ai commencé à les filmer et à raconter ce territoire.
M.M : Territoire qui existe aussi par la langue car les personnages de ton film s’expriment essentiellement en breton. Le parlais-tu déjà ?
D.B.W : Pas de naissance mais c’est une langue que j’ai apprise en même temps que mes enfants l’ont apprise à l’école. Et cet apprentissage a fait que j’ai eu, avec des gens qui étaient déjà des amis, des conversations que je n’avais pas avant. Le fait de parler breton m’a fait remonter d’autres choses aux oreilles. C’est super qu’avec cette langue, on ait accès à d’autres choses. C’est une langue très vivante mais si on ne parle pas breton, on peut ne pas l’entendre beaucoup. C’est à dire que les gens sont très polis. Si tu ne parles pas breton, ils vont se mettre à parler français direct. C’est presque comme s’il fallait parler breton pour entendre parler breton !
M.M : Et qu’est ce que ça a changé pour toi de travailler avec une production sur ce film ?
D.B.W : C’est pas du tout les mêmes contraintes et surtout pas la même solitude. C’est un grand soutien d’être accompagnée et de savoir que le film va se faire quoiqu’il arrive. Ça fait beaucoup de bien parce que on a parfois l’impression qu’on y arrivera jamais. Là, quand on a quelqu’un comme Laurence (Ansquer ndlr) derrière soi, quand on a des moments difficile, on s’appelle et ça remonte le moral. J’ai pu être complètement sincère avec elle, lui dire mes doutes et ça m’a beaucoup apporté. Et puis, toute la coopération artistique, c’est grand en soi ! Avoir le budget pour pouvoir embaucher un chef opérateur dont on admire le travail, avoir un ingénieur du son toujours avec soi et passer des semaines de travail, de dialogue, d’invention dans de bonnes conditions avec un monteur c’est super. La collaboration avec France 3 s’est bien passée également, toujours dans le dialogue. Le plus contraignant de mon point de vue, c’est le format 52 minutes auquel on échappe pas.
On souhaite une bonne fin de tournée à Dounia dont le film continue sa route à Tréguidel, Guingamp et St Quay Portrieux avant de se terminer dans le Finistère.