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Un café avec Alessandra Celesia réalisatrice de « La Mécanique des choses »

Publié le

Le 13 décembre 2023, Alessandra Celesia est venue accompagner son film « La Mécanique des choses » projeté au cinéma Ciné Roch de Guémené-sur-Scorff. Une projection suivie d’un débat avec les spectateur·ices. A la fin de cette soirée, je lui propose de boire un café à la Maison des auteur·ices, à Mellionnec, pour échanger autour de son film avec un café. Voilà un condensé de nos échanges. Bonne lecture !
Emma Lohé


Résumé du film :
Voilà le début de l’histoire, au départ il y a :
Un père déglingué et sa fille qui rêve de le « réparer ».
Un chat qui tombe du 8e étage et se retrouve paraplégique.
Une expérimentation médicale réunissant 12 personnes paralysées en Chine.
Un accident de la route en Italie.
Une histoire vraie, celle de mon chat Tito et des aventures animales et humaines qui ont suivi.
Et voici comment La Mécanique des Choses a tout réuni dans une folle aventure collective pour tenter de réparer l’irréparable.


Un café avec Alessandra Celesia

Emma Lohé : Comment es-tu arrivée à la réalisation, quel est ton parcours ?

Alessandra Celesia : Je n’ai pas du tout une formation dans le cinéma. Je viens d’une petite ville à Aoste dans les montagnes italiennes où il n’y avait rien à mon époque. Au lycée je m’étais inscrite dans un cours de théâtre, j’ai tellement aimé ça, que j’ai continué le théâtre en stage à Paris simultanément de l’université de langue. Quelques temps après, j’ai fait une formation de 2 ans à l’école de théâtre Jacques Lecoq à Paris et à partir de là, j’ai monté ma compagnie de théâtre et j’ai travaillé avec d’autres compagnies.
Quand j’étais enceinte, je ne pouvais pas partir en tournée. J’ai donc voulu faire un petit film avec des amis sans savoir réellement ce que c’était. Le hasard de la vie a fait que mon voisin de palier était producteur, et a vu ce petit film. Il m’a dit qu’il fallait que j’en fasse d’autres. Grâce à ce producteur, mon second film a été fait pour France 2. J’adore le théâtre mais à l’inverse du cinéma, y’a rien qui reste, alors que le film tu captures quelque chose, qui reste pour toujours. J’ai juste eu de la chance. J’ai travaillé 10 ans avec ce producteur, puis j’en ai connu d’autres. Mais je n’ai pas eu de formation, comme quoi on peut y arriver de tous les côtés.

E.L : As-tu rencontré des difficultés, en particulier pour le film mais également dans ton parcours, qui t’ont marquée ?

A.C : Dans tous les parcours de films, à chaque fois il y a des moments où je me dis : je ne vais pas y arriver, ce n’est pas possible, je me suis mis la barre trop haute… Je pense que le film ne pourra pas se faire et je souffre terriblement de la situation. Souvent c’est quand je cherche de l’argent ou alors pendant le montage. Je suis presque obligée de passer par des phases catastrophiques où je ne dors plus la nuit, où je me demande comment je vais sortir de cette impasse.

Le montage de « La Mécanique des Choses » a été particulièrement difficile, j’ai eu une très très longue période où je me suis dit « on ne va pas y arriver ». Je pense qu’il faut avoir une passion énorme pour avoir envie de continuer.

E.L : Y a-t-il une anecdote de tournage que tu peux nous partager ?

A.C : Oui. C’était un moment un peu improbable qu’on a même filmé mais qui n’est pas dans le film. Il y a eu un autre chat. Il était tout petit, il ressemblait à Tito, noir et blanc avec les mêmes tâches, et qui avait une maladie. J’ai appelé mon vétérinaire en Italie, qui m’a confirmé que Tito était vacciné contre cette maladie. Il était possible de prendre du sang de Tito, en faire un sérum, et l’injecter au petit chat pour le sauver. Pendant quelques jours le petit chat allait mieux, mais malheureusement ça n’a pas suffi pour le sauver. C’est la chose qui nous a mis le plus en contact avec la mort. Mais en même temps y’avais vraiment quelque chose de beau, puisqu’on disait qu’on allait faire marcher les paralysé·es, que mon chat allait être réparé, qu’un jour mon père aussi, et ce chaton aussi… Mais en fait non, c’est limité, la science est limitée. C’est vraiment à ce moment-là qu’on a touché la mort. C’est comme si c’était le destin, Tito était destiné à vivre et le petit chat à mourir, c’était assez fort !

E.L : Dans ton film tu es à la fois derrière et devant la caméra. Tu te montres vulnérable : est-ce que cela a été dur ?

A.C : La situation était un peu schizophrène. Au théâtre quand je joue, je dois débrancher mon intellect sinon les émotions ne viennent pas. Mais en même temps, quand je suis sur scène, je dois faire gaffe à ne pas sortir de la lumière, à ne pas tomber de la scène, à ne pas oublier l’objet dont j’ai besoin… Donc j’ai cette capacité à être déconnectée et en même temps à garder mon cerveau connecté aux choses importantes. C’est l’avantage de venir du théâtre : de pouvoir jongler sur les émotions, c’est peut-être ça qui m’a sauvée.

Concernant la grosse scène de thérapie, les 20 premières minutes ont été difficiles par ce que je n’arrivais pas à débrancher. Je voulais que ça marche, alors j’ai laissé venir les choses. J’ai pu passer outre la caméra parce que on avait recréé une safe zone et j’étais entourée de gens en qui j’ai une confiance absolue. J’étais entourée, mon équipe et la psy étaient extraordinaires, c’était très fort.

E.L : Aujourd’hui, es-tu toujours en contact avec certaines personnes présentes dans le film ?

A.C : En général, après tous mes films, il y a quelque chose qui m’oblige un peu moralement mais aussi de façon éthique à garder contact. C’est très fort la place d’une caméra dans la vie de quelqu’un, alors je ne peux pas les abandonner comme ça. Encore plus quand je filme des personnes fragiles ou isolées. Et si je disparais, je laisse un vide absolu. Donc il faut que je sèvre la personne de la présence de cette caméra et de l’équipe. Alors c’est à moi de garder un lien pendant un certain temps. Je suis toujours en contact avec les patients. Je prends de leurs nouvelles, ils sont venus dernièrement à l’une des projections. Je suis également toujours en contact avec ma psy, qui reste dans ma vie, et avec Pierre qui est à l’initiative de cette découverte.
Puis il y a évidemment les gens que je rencontre et qui rentrent dans ma vie pour toujours et que je ne perdrai jamais. Comme la doctoresse italienne qui est devenue vraiment une grande amie maintenant. On a encore passé quelques jours ensemble dernièrement.

E.L : Grazie Mille

A.C : Prego